Regarder dans tes yeux, rencontrer ton regard
Le peut-on ? quand on sent comme il passe à travers
Tout ce qu'on croit savoir pour s'adresser là-bas
Droit à notre âme et lui ouvrir, derrière nous,
Des horizons qu'elle connaît depuis toujours…
Dedans, autour, dessinant sous ton front lunaire
Le paysage douloureux de la tristesse,
Ton visage gonflé des larmes non pleurées
Se laboure et s'apaise en sillons ineffables.
Que de saisons ! Que de combats ! Que de misères
Dans le silence des splendeurs d'outre-parole !
En bas, sur les genoux, tes mains abandonnées
Qui conversent sans toi — pâles et pathétiques
Sur le cigare éteint — se font à tout jamais
La confidence éblouissante de ta foi.
O toi, le douloureux jusqu'à la transparence,
Triomphant des caillots obscurs de la folie
Et des ténèbres de la vie en te jetant,
Bras en avant et cœur ouvert, dans ta mort blanche !
Assassin de ta faute, enfant de l'innocence,
Enchanteur triomphant du désenchantement
Armel Guerne*
* Dans Rhapsodie des fins dernières, Phébus, Paris, 1977