C’est une condition essentielle de la vie spirituelle que de se développer dans la foi et c’est un caractère non moins essentiel de la foi que d’être vécue dans la nuit. Tel est le message que nous lance un mystique anglais inconnu du XIVème siècle. Il n’écrit pas, nous prévient-il, pour les charnels disputeurs, les bavards, les faiseurs d’histoires, mais pour les spirituels (p. 222). Le traducteur distingué, Armel Guerne, que l’auteur anonyme a conquis, a été préoccupé de transmettre cette pensée dans sa fraîcheur primitive, de rendre ce ton direct, abrupt et sauvage de ceux qui ont renoncé aux conformismes, de reproduire, dans son rythme, le mouvement heurté de ces phrases incisives, de ce langage « enfantin et impropre » (p. 229).
Rigueur du dépouillement préalable à l’union, élimination impitoyable de tous les anthropomorphismes et de toutes les matérialisations qui compromettent la simplicité transcendante de Dieu, caractère tout spirituel de la prière, surtout humilité, tels sont les thèmes fondamentaux de ce manuel ascético-mystique qui, par tant d’aspects, ressemble à l’Imitation de Jésus-Christ et à La Montée du Carmel.
P. Blanchar, Bulletin des Facultés catholiques de Lyon, juillet-décembre 1953
Ce beau livre de mystique, le plus célèbre qui ait été écrit en Angleterre, date du XIVe siècle et est l’œuvre d’un anonyme, apparemment d’un moine. « Un livre de contemplation nommé le Nuage d’inconnaissance en lequel l’Âme est unie à Dieu ». C’est ainsi qu’il se présente dans une merveilleuse — le mot n’est pas excessif — traduction d’Armel Guerne. La doctrine du Nuage d’inconnaissance est parfaitement orthodoxe. Elle veut allécher le pieux lecteur en lui proposant des recettes de contemplation très efficaces. On n’est pas loin de Ruysbroeck, ni même de saint Bernard, et l’on s’achemine déjà vers les analyses de saint Jean de la Croix.
L’Actualité religieuse dans le monde, 15 avril 1954