Armel Guerne appartient à la famille des « merveilleux ouvriers » de la littérature. Traducteur de Novalis, Melville ou Kawabata, il était aussi poète et essayiste, et son ambition, avouait-il, était « de pouvoir [s]e compter un jour au nombre saint de ces divins voyous de l’amour ». Les Veilles du Prochain Livre est un essai de jeunesse, mais on devine, dans ces textes brefs qui annoncent La Nuit Veille, un auteur au service de l’authentique génie de la langue. Le Journal 1941-1942 est celui d’un homme entré en résistance, non seulement sur le terrain – Guerne et sa femme appartenaient au réseau Carte d’André Girard – mais aussi dans le domaine de l’imprécation spirituelle contre la barbarie et la déliquescence de son époque – « où il n’y a plus d’Homme dans les hommes » – dans la lignée d’un Bloy, d’un Hello ou d’un Bernanos dont il fut le secrétaire et l’ami. Ces pages témoignent de cette attente sombre, de cet espoir désarmé qui incombent aux prophètes. Son écriture épouse l’orage et témoigne d’une droiture exaltée : « Depuis mon enfance – depuis que je savais vouloir écrire – je demande dans mes prières d’être le dernier d’une lignée de supérieurs, et j’ai toujours tout fait pour ne jamais être le premier d’un bataillon d’ingénieurs ». Comme l’écrit Charles Le Brun dans sa préface, Guerne, nourri par sa lecture de Paracelse, s’emploie patiemment « à déchiffrer le secret en deçà du “reflet” ».
Histoires littéraires, n° IV